Les Carnets d'Autopsie de Minuit [1]

CHER LECTEUR,

s’il pouvait se présenter une possibilité, une seule possibilité, une seule fois dans ta vie, aussi infime fût-elle, que tu puisses prendre goût au grand déballage, répété, jour après jour, semaine après semaine, de chairs purulentes,

s’il s’avérait que la manipulation d’organes devenus inopérants réveille, venu du tréfonds de toi-même, jusque là insoupçonnée, une certaine jubilation, sinon une inclination nécrophile,

si, tout en entretenant des relations de bon voisinage avec la mort, tu en venais à pousser la perversité jusqu’à faire montre d’une sensiblerie affectée,

si, animé par la seule, irrépressible et désormais si commune envie de parler de ta personne, parler et faire parler de toi quoi qu'il en coûte, de préférence devant la fécale de la caméra, si tu en arrivais à cultiver le vice de te donner en spectacle pour faire le récit de ton expérience avec la mort, racontant, avec force bons mots et pleurnicheries, combien celle-ci t’a été pénible – nul doute qu'un cher éditeur de France arrachera l'exclusivité de tes annales excrémentielles –, alors, écervelé tout autant que désœuvré et dégénéré people-hâbleur accompli, ou envieux ou en voie de l'être peopolisable, de grâce, ne va pas au-delà de cette ligne : passe ton chemin et va voir ailleurs si ton trou du cul y est, car, assurément, tu n’as rien à gagner à AUTOPSIE DE MINUIT, et, à te perdre, AUTOPSIE DE MINUIT a tout à gagner ;

si, au contraire, ce n’est pas trop demander à ta sensibilité que de côtoyer le spectacle peu ragoûtant de la mort,

si la vue des viscères ne t’incommode pas outre mesure,

si la grande proximité de la putréfaction et des effluves pestilentielles ne te sont pas cause d’étourdissements,

si la mise à nu du cadavre, de sa mise en pièces on ne peut plus répugnante, membre après membre, organe après organe, de leur dissection, sous toutes les coutures, et de leur exposition sous la lumière la plus crue, n’altère en rien tes facultés de jugement,

si, après les haut-le-cœur, après les nausées, après les régurgitations inopportunes à grand-peine contenues, après les efforts incessants sur toi-même pour refréner la pulsion morbide, si tu persistes à vouloir soutenir, droit dans les yeux, le regard ignoble de la mort, alors, cher lecteur, à ces conditions, et à ces conditions seulement, ne t’arrête pas en si bon chemin, car la chose est entendue : AUTOPSIE DE MINUIT est pour toi. Mais avant d’aller de l'avant, cher lecteur, prends garde et l’avertissement qui va suivre au propre comme au figuré : ça va saigner.

aller sans détour et sans honte au Carnet suivant

[le présent Carnet d'AUTOPSIE DE MINUIT, premier du nom, a été divulgué par L'AUTEUR LUI-MÊME en personne, à Marseille et au monde, le 21 mai 2008, peu avant que ne sonne 17 heures, heure de Bamako, Mali (UTC/GMT +0)]